mercredi 27 septembre 2023 - 3:55:35 M

La reconstruction du patrimoine de Mossoul et le rôle des EAU : Triomphe de l'espoir et de la volonté sur le fanatisme et l'exclusivisme


Par Pablo Augusto

ABOU DHABI, 25 novembre 2022 (WAM) – "Raviver l'esprit de Mossoul" est une initiative lancée en 2018 par l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). L'organisme des NU précise qu'il s'agit d'une "réponse pour le rétablissement de l'une des villes emblématiques de l'Irak". Mossoul a subi une occupation de trois ans (2014-2017) par l'État islamique autoproclamé (Daesh), qui s'est terminée par la destruction de 80 % de la vieille ville. Selon l'UNESCO, le patrimoine de la vieille ville "reflétait l'échange de valeurs de tolérance et de coexistence à travers de nombreux siècles".

L'historien et chercheur irakien à l'université George Washington, Omar Mohammed, initialement connu sous le pseudonyme "Mosul Eye", qui informait le monde sur la vie sous l'État islamique, souligne que Mossoul est une ville où juifs, chrétiens, yazidis et musulmans de différentes sectes vivaient autrefois ensemble. "Une ville connue pour sa diversité unique", ajoute-t-il.

L'UNESCO, qui reconnait que Mossoul est "un lieu stratégique étant un carrefour et un pont entre le nord et le sud, l'est et l'ouest" depuis des millénaires, affirme que la diversité de la ville en a fait une cible pour l'État islamique. Détruite par la guerre, un projet de reconstruction de la ville devait tenir compte de tout cela.

Basé sur trois piliers - le patrimoine, la vie culturelle et l'éducation, “Raviver l'esprit de Mossoul” a été financé par 15 partenaires. Parmi eux, l'Union européenne et les Émirats arabes unis, qui ont contribué à hauteur de 50 millions de dollars américains.

Au départ, la contribution des Émirats arabes unis à la reconstruction du patrimoine culturel de Mossoul portait sur la restauration et la reconstruction de points de repère, tels que la mosquée Al-Nouri et son minaret Al-Hadba de 45 mètres, construit il y a plus de 800 ans. Toutefois, un an plus tard, les Émirats arabes unis et l'UNESCO ont renouvelé leur collaboration à la reconstruction de l'église Al-Tahera, considérée par l'UNESCO comme "un symbole iconique tissé dans l'histoire de Mossoul", et de l'église Al-Saa, également connue sous le nom de Notre-Dame de l'Heure, toutes deux construites au XIXe siècle.

Lors de la signature de l'accord, la ministre de la culture et de la jeunesse des Émirats arabes unis, Noura bint Mohammed Al Kaabi, a déclaré : "Nous sommes très honorés de signer ce partenariat avec l'UNESCO et le peuple irakien afin de poursuivre nos efforts pour aider à reconstruire Mossoul et faire revivre l'esprit de coexistence et de cohésion sociale".

Des années après le lancement de l'initiative, le directeur de l'UNESCO en Irak, Paolo Fontani, a déclaré lors d'une conversation avec l'agence de presse des Émirats (WAM) que "le dialogue est bien là, il se produit" dans une ville qui a toujours été considérée comme un lieu symbolisant les échanges, les différentes cultures et les ethnies vivant ensemble.

"Voilà donc l'idée de faire revivre l'esprit de Mossoul. Il s'agit de faire revivre la liberté des habitants de Mossoul et de leur redonner leur identité en travaillant ensemble. Cela souligne que la force du mal ne gagnera pas et que la culture restera toujours une partie de notre patrimoine", déclare M. Fontani, ajoutant que la reconstruction pourrait être un "symbole de renaissance en Irak" et dans le monde.

L'initiative, touchée par la pandémie de COVID-19, se rapproche de la phase finale. Le responsable de l'UNESCO en Irak rappelle que la reconstruction de la mosquée Al Nouri, du minaret Al Habda, des églises Al-Saa'a et Al Tahera est en cours. Elle en est à des stades variés, en fonction de la gravité des dégâts. Fontani estime que la plupart des monuments seront terminés d'ici la fin de l'année 2023.

La reconstruction du Minaret Al Hadba prendrait quelques mois supplémentaires. “ Reconstruire selon les mêmes techniques et avec les mêmes matériaux, nous préservons la valeurr de notre travail” a-t-il ajouté.

 

Alors que la reconstruction des pierres et des murs a lieu, la société est sur la voie de la réhabilitation, selon Omar Mohammed. L'historien affirme que le rétablissement de Mossoul est lent mais qu'il avance. "Le tissu social se rétablit ; il est en train de redévelopper ou de développer son récit de coexistence. Et à l'avenir, plus nous assisterons à la récupération des sites du patrimoine culturel de la ville, plus nous verrons le tissu social se renforcer", a-t-il déclaré.

Mohammed a mentionné les visites en 2021 du pape François et du président français, Emmanuel Macron, comme importantes dans le processus de réhabilitation et a exprimé l'espoir d'une visite de la ministre de la Culture des EAU, Noura Al Kaabi, qui, selon lui, a un lien direct avec Mossoul et son rétablissement.

Des années après la libération de la ville dans une bataille qui a fait des milliers de morts, d'autres signes confirment sa réhabilitation. Paolo Fontani nous rappelle que le nombre d'étudiants inscrits à l'université de Mossoul a augmenté après avoir partagé une conversation avec le directeur de l'institution. "L'écouter me dire qu'avant la guerre, l'université comptait 37 000 étudiants, et qu'aujourd'hui, ils sont deux fois plus nombreux, était rassurant. Il m'a dit que le nombre de chrétiens ou de Yazidis se comptait désormais en milliers, alors qu'il était auparavant à deux chiffres. Ces divers segments qui suivent des cours ensemble est en soi une affirmation de la renaissance de l'esprit harmonieux de Mossoul", a expliqué le responsable de l'UNESCO en Irak.

"Raviver l'esprit de Mossoul" a eu un impact multidimensionnel et tangible sur la ville de Mossoul. Le représentant de l'UNESCO en Irak mentionne que plus de 1700 personnes ont été formées, et plus de 3500 ont été employées dans le cadre de cette initiative. "Nous travaillons sur une zone spécifique, dans laquelle vous voyez la vie se rétablir. Nous ne travaillons pas seulement des monuments, mais aussi des maisons. Les gens reviennent vivre dans cette zone. Certaines organisations culturelles ont commencé à travailler à Mossoul, en particulier dans la vieille ville. Il est certain qu'il y a de l'activité, y compris de l'activité économique", ajoute M. Fontani.

Cette activité représente un changement par rapport au scénario auquel Paolo a été confronté en arrivant à Mossoul en 2019. "La première fois que je suis arrivé à Mossoul, il y avait le silence ; c'était probablement la chose la plus incroyable, c'était le silence ; il n'y avait pas de voitures, pas de gens, personne. Tout était détruit, et il y avait un silence total", déclare-t-il. "Maintenant, au fil des ans, quand je retourne dans la partie occidentale de Mossoul, la vieille ville de Mossoul est pleine de gens, pleine de circulation, peut-être déjà trop de circulation, mais du mouvement, des magasins ouverts, des marchés ouverts, le Bazar ouvert, des gens qui reconstruisent", dit-il.

M. Fontani estime que le fait qu'un organisme comme l'UNESCO ait pu attirer des fonds importants pour investir dans le patrimoine et la culture démontre qu'ils peuvent devenir un élément essentiel du secteur du développement d'un pays. "En Europe ou dans le monde, la culture représente parfois 6 % de l'emploi et 3 % du PIB d'un pays. Nous montrons donc que cela peut également se produire en Irak, que la culture peut et doit devenir un moteur de développement et qu'elle est également très stable pour le développement, car les gens travaillent sur leur propre patrimoine, sur leur propre identité, et c'est vraiment important", affirme-t-il.

"La reconstruction de Mossoul n'est pas seulement importante pour les habitants de Mossoul, mais aussi pour le reste du monde, car elle montre l'importance de la mobilisation internationale lorsqu'elle se rassemble et commence à contribuer à la reconstruction d'une ville d'après-guerre. Cela montre combien ce type de collaboration est important, combien ce type de coopération est important", souligne Omar. L'historien espère voir sa ville redevenir un centre culturel et économique, un espace défini par la coexistence et le pluralisme. "La renaissance du patrimoine de Mossoul révélera des clés de la résistance de l'humanité contre la violence et la division. Elle révélera que la seule façon de vivre ensemble est de croire en la diversité comme en une mosaïque, où chaque pièce distincte fait partie intégrante de la révélation de l'ensemble, où toute pièce manquante fera, en fin de compte, tomber tous leurs destins communs", affirme Mohammed.

La reconstitution du tissu social de Mossoul, une ville dont le nom signifie "point de liaison" en arabe, prendra plus de temps que la reconstruction des murs, des mosquées et des églises. Mais comme le rappelle le directeur de l'UNESCO en Irak, le dialogue est déjà présent. Et M. Fontani est également convaincu que l'avenir est prometteur.

En conclusion de ses réflexions sur l'initiative, Paolo Fontani souligne l'importance du soutien des partenaires qui ont adhéré à l'idée. "Je pense qu'il est très clair que tout ceci n'aurait pas eu lieu sans le grand soutien des EAU et d'autres donateurs - un appel à l'aide qui a été bien reçu, qui nous rend fiers et aussi, bien sûr, nous sommes conscients de la responsabilité qui nous incombe", conclut-il.

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https://wam.ae/en/details/1395303105623

 

 

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